Quoi de plus légitime que d’ouvrir le bal ou plutôt le cycle d’entretiens avec l’un des précurseurs du cinéma mashup, j’ai nommé Monsieur Antonio Maria Da Silva.
Bien évidemment, je n’ai pas fait cet interview parce qu’HELL’S CLUB a dépassé les 13 millions de vues. A l’encyclopédie du Mashup Cinéma, on ne mange pas de ce pain-là. Dieu sait – quels que soient la couleur et le nombre de bras du Tout Puissant – l’estime que j’ai pour le public. Mais si je suis allé poser quelques questions à Antonio Maria Da Silva c’est avant tout parce que son oeuvre mérite infiniment plus que les quelques lignes qui lui sont réservées dans les médias. Heureux concitoyens du XXIème siècle, il faudra peut-être vous habituer à ce que la parole soit aussi donnée aux cinéastes de l’emprunt.
Dans Hell’s club, deux choses m’ont particulièrement impressionné et il me semble qu’elles sont votre marque de fabrique. La première est d’ordre technique, c’est l’intégration bluffante de différents films dans un même décor. Vous mariez dans ce film mashup des matières filmiques très disparates appartenant à des époques de production espacées de plus de 20 ans (de Saturday Night Fever 1978 à Collatéral 2004) Quels procédés utilisez-vous pour cela ? Quels logiciels ?
AMDS: Le secret est l’étalonnage ;-), mais c’est en fait une combinaison de plusieurs techniques et de beaucoup d’expérience. J’utilise principalement les logiciels Premiere CC 2015 (une tuerie) et After Effect.
(NDLR : l’étalonnage numérique est essentiellement la retouche par ordinateur des paramètres de luminosité, de contraste et de couleur des images)
L’autre particularité est plus “métaphysique” si je puis utiliser ce terme un peu pompeux. Depuis BRUCE LEE VS BRUCE LEE, vos films cachent derrière une débauche d’action une réflexion sur le temps et l’identité : un Bruce Lee qui se bat contre lui-même; et dans Hell’s Club aussi, un jeu de miroir (au figuré comme au propre puisqu’il y a des miroirs dans le Club) avec des personnages qui regardent en quelque sorte leur double : le Tom Cruise de Cocktail échange un regard avec le Tom Cruise de Collatéral, son double 20 ans plus tard. Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus ? Qu’est-ce qui vous donne envie de faire se rencontrer tel ou tel personnage ?
AMDS: Dans TERMINATOR VS ROBOCOP 3, il y avait déjà une deuxième lecture possible, mais c’est vrai que depuis l’hommage à BRUCE LEE, j’essaie d’apporter un véritable fond à mes mashup. Pour les rencontres, c’est inconscient de ma part au départ. J’ai des idées pas toujours très claires sur tel ou tel personnage qui devrait en rencontrer un autre. Je puise cela dans mon inconscient de cinéphile. Et ça va être de plus en plus comme ça dans mes prochains mashups.
Si je vous décris comme le Yuen Woo-ping du mashup, cela vous va ?
AMDS: Oui c’est flatteur, il a fait un travail de fou sur MATRIX, entre autres.
Qu’est-ce qui vous différencie dans la galaxie Mashup cinéma ?
AMDS: Mon expérience et ma sensibilité je pense mais ce n’est pas à moi de le dire. Je m’approprie les images, c’est une gymnastique très compliquée que j’ai acquise avec l’expérience. Et comme j’ai une vision « 3D » de la scène avant de la concevoir, j’ai déjà tous les plans en tête, je n’écris rien. Ecrire équivaut à prévoir et donc à ne pas se dépasser. J’ai une idée, je fonce. Quitte à passer des centaines d’heures dessus.
Vous réalisez également des films de tournage. Qu’est-ce qu’on ne trouve pas dans le cinéma traditionnel et que l’on trouve dans le cinéma mashup ?
AMDS: Les Stars 😉
Pionnier du mashup cinéma, c’est en 2007 avec votre Terminator vs Robocop qu’on a commencé à remarquer votre travail. C’était votre premier mashup ?
AMDS : Non, j’avais fait NEO VERSUS ROBOCOP qui a bien marché aussi. Je fais des mashups depuis 1990, mais c’était alors souvent très long : par exemple j’ai mélangé USS ALABAMA, ABYSS et OCTOBRE ROUGE dans un film de trois heures.
Le cinéma d’emprunt a toujours existé. Pourquoi, selon vous, connaît-il un tel engouement aujourd’hui ?
AMDS : Les mashups sont meilleurs techniquement et surtout on est dans l’ère du zapping, du multi mélange. Je pense qu’à l’avenir on pourrait voir des longs métrages inspirés, entre autres, par mes mashups. Moi même, il y a encore très peu de temps, j’étais convaincu qu’en long métrage ce n’était pas viable. Vu la réaction des journalistes à travers le monde, je crois que je me suis contredit avec Hell’s club 🙂 Maintenant les gens se disent que c’est possible de raconter une histoire avec les images des autres.
Quels sont vos prochains projets mashup ?
AMDS: Une deuxième nuit au Hell’s Club, encore plus badass … enfin si j’arrive à mes fins car rien n’est sûr dans le mashup ! ROCKY INFERNO sur lequel je travaille depuis 1 an et demi. Et FURY CARS que j’étudie entre deux plans de Hell’s Club. Je réfléchis aussi beaucoup à un mashup à la façon AMDS sur Steven Spielberg. Attention, pas de best of au programme mais une histoire. Et d’autres coups de coeur si les idées viennent.
Pour finir, le fameux questionnaire de Bernard Pivot agrémenté à la sauce mashup : Votre mélange favori ? (nourriture, drogue, inspiration etc …)
AMDS : Sucreries et insomnies.
Une chose que vous aimez partager ?
AMDS : Ma passion.
Une chose que vous aimez emprunter ?
AMDS : Un euro pour la machine à café.
Une chose que vous aimez prêter ?
AMDS : Mes services dans le domaine de l’audiovisuel
Votre combinaison de mots préférée ?
AMDS : « C’est pas possible ? Je m’en fous, je le fais. »
Si Dieu existe, après votre mort, quel est le film mashup que vous aimeriez regarder avec lui ?
AMDS : La trilogie Hell’s Club, la trilogie Terminator vs Robocop et mon hommage à Bruce Lee. Ah mince ça fait quatre. Bon allez s’il faut n’en choisir qu’un, la trilogie Hell’s Club avec toutes ses stars.