Ça donne quoi la rencontre de l’avant-garde et du populaire ? Le révolutionnaire, sacrebleu ! Veuillez excuser cette entrée en matière quelque peu familière mais c’est un cri du cœur. Le mashup est UNE DES PLUS IMPORTANTES REVOLUTIONS DU LANGAGE CINEMATOGRAPHIQUE qu’ait connu notre petite planète Terre depuis la nouvelle vague à la fin des années 50. Des propos mesurés par rapport à ceux entendus il y a peu dans la bouche même d’un fanatique du nom de Jean-Yves de Lépinay, ancien directeur des programmes au Forum des Images et initiateur du feu Mashup Film Festival que nous ferons renaître de ses cendres en juin prochain dans une centaine de lieux à travers le monde. Selon cet illuminé, dans les vidéos amateurs de chats mignons chantant du Queen se jouerait l’avenir de l’humanité.
Revenons sur Terre si vous le voulez bien. Aujourd’hui, si l’on veut voir du vraiment neuf dans la façon de faire et recevoir des films, il y a l’art de la Série qui enrichit les personnages, l’art du Transmédia qui déploie les supports, l’art du film Réalité virtuelle qui nous immerge dans l’image et l’art du Mashup qui crée des mariages insolites. Afin que vous puissiez mieux saisir de quoi il retourne, et comment nous en sommes arrivés là, je vais d’abord vous exposer le parcours édifiant d’un “cinéaste tout court” qui s’est upgradé en “cinéaste mashupeur” par la force des choses. Un humain que je côtoie au jour le jour même si je ne le comprends pas toujours : MOI !
Je suis né un jour de … dans une banlieue de … et j’ai fait ceci et cela dans mon enfance. Une vingtaine d’années plus tard, j’ai vu mon travail être progressivement envahi par l’emprunt jusqu’à composer aujourd’hui des puzzles filmiques que l’on pourrait dire 100 % recyclés. Mais pourquoi est-on cinéaste mashupeur plutôt que cinéaste filmeur ? Il faut bien se l’avouer, si j’en suis-là, c’est parce que j’ai parfois du mal à me considérer comme un auteur.
Pourtant, je vous assure, pendant de nombreuses années, j’ai essayé de ressembler à l’image d’Epinal de l’auteur-réalisateur français. A celui qui écrit de beaux scenarii bien reliés et qui obtiennent des aides au CNC. A celui qui sait voir le monde quand il met l’œil derrière la caméra. A celui qui sait se comporter comme un chef de meute sur un plateau de tournage. Et je me suis formé pour cela à l’ENS Louis Lumière, à la Fémis. J’ai écrit sur le papier et tourné en l’an 2000 mon premier film, un long-métrage documentaire de création (sortie en salle 12 ans après sa réalisation), puis ma première fiction court-métrage en plateau et en extérieur, en numérique, en Super8 et en 35 mm. Mais il faut croire que ma vérité est ailleurs. Devant une feuille blanche, seul face à mon nombril, je reste sec. Alors que quand je visionne des images aimées et tournées par un autre, j’ai l’impression que quelque chose s’ouvre en moi, prêt à jaillir si je maintiens l’effort. Car l’emprunt m’a permis de ne pas aborder de front mes nœuds et tourments personnels. Je m’autorise ainsi la prétention d’être un créateur. Narcisse moderne, je me mets à chercher mon visage dans les images des autres.
Et c’est peut-être bien ce qui est à l’œuvre dans de nombreux recoins de la galaxie mashup. Qu’est-ce qu’un film mashup ? Visionnons la bande-annonce de la 1ère édition du MashUp Film Festival qui a eu lieu en 2011.
Les deux premiers mots mis en exergue sont COPIER et COLLER. Sur cette image mashup, Emmanuel Laflamme a copié collé du George Lucas et du William Shakespeare. Le coquin a mis au centre l’emprunt visuel appartenant à la culture pop contemporaine. Car si, dans sa définition généraliste, le mashup consiste à faire du neuf avec du vieux (pas du vieux style votre grand-père hein ? Encore que …), dans son acception plus stricte du terme, il s’agit de la rencontre entre le montage d’archives et le pop art. S’il n’était pas parti vers l’infini et au-delà, Warhol aurait été un sacré bon mashupeur !
Mashup sélectionné par le jury du concours MK2.