Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à un digne membre de la famille des mashupeurs enquêteurs. J’ai découvert les HUB de Thibaud Smithee sur le Daily Mars. Il y explore les origines et montre les mélanges d’univers à l’oeuvre dans les grands films icônes pop. Si le cinéma mashup recycle les images, le cinéma-filmeur recycle les idées.
Bonjour Thibaud. Les HUB, ça sert à quoi ?
Ça sert à montrer que toutes les créations humaines sont connectées, des peintures et des livres au jeu vidéo, en passant bien sûr par le cinéma, la musique etc… Ça sert à voir qu’un film qu’on a aimé ne vient pas de nulle part, et qu’il a des ramifications dans tous les arts… Et ça permet aussi de découvrir des choses par la même occasion ! En gros, HUB, c’est un peu comme le pote qui te conseille des trucs à regarder, mélangé avec un prof d’histoire de l’art, peut-être.
Vous utilisez donc le mashup comme un moyen de mieux connaître le cinéma-filmeur. A quelles autres pratiques mashups présentes sur le site encyclopédique Mashup Cinéma vous êtes vous frotté en tant que créateur ou spectateur ? Vous avez fait de l’hommage, je crois, avec Clouds et Dances.
Je pense être aussi pas mal attiré par le transmedia, et par le travail des transmédiateurs qu’on peut voir sur le site Mashup Cinema. Je suis sans doute un peu de toutes les catégories de mashupeur (enquêteur, hommageur, obsessionnel…), mais le transmedia, par sa capacité à confronter des univers différents, m’a toujours intéressé.
Pourquoi faire du cinéma mashup plutôt que du cinéma traditionnel ?
Le mashup a été pour moi une façon de créer quelque chose quand j’avais ce besoin vital de le faire, mais que je n’avais pas forcément le matériel ou les moyens financiers. Le mashup a été là pour aiguiser mes sens, mes goûts et mon expérience, qui vont me servir sans doute dans un cinéma plus traditionnel.
Le mashup, ce serait alors juste une pratique de cinéaste fauché ? Qu’est-ce qu’on ne trouve pas dans le cinéma traditionnel et que l’on trouve dans le cinéma mashup ?
Je n’opposerais pas forcément cinéma traditionnel et cinéma mashup. Ce sont deux faces d’une même pièce, et un film « traditionnel » sera à mon sens aussi une oeuvre mash-up, un tissu de références multiples. J’aurais bien dit que le mashup casse la structure du film et est dans ce sens plus « meta », mais des films dits traditionnels le sont aussi… Donc je pense qu’on trouve les mêmes choses, c’est peut-être juste l’objectif qui change.
Pouvez-vous nous dire ce qui vous différencie dans la galaxie Mashup cinéma ?
Je ne sais pas si je suis très différent que ça. J’aime à penser que j’invite les gens à s’approprier ce qu’ils voient, et à se faire leur propre petit mashup. J’essaye de leur montrer qu’il y a un grand univers passionnant en face d’eux, et qu’ils peuvent y aller sans crainte. Plein d’autres gens font ça, Tony Zhou avec son super podcast « Every Frame a Painting » notamment, je le fais juste avec ma sensibilité. C’est plutôt elle qui me différencie des autres sans aucun doute.
Le cinéma d’emprunt a toujours existé. Pourquoi, selon vous, connaît-il un tel engouement aujourd’hui ?
Ça me paraît évident qu’avec la démocratisation des flux d’images et ce partage d’images en permanence permis par Internet que de plus en plus de personnes fassent du mashup. Le mashup est une façon de s’exprimer, comme le sample dans le rap des années 90. On a peut-être pas les outils, on a peut-être pas tous les instruments, mais on peut aussi créer des choses, et exprimer ce qu’on ressent en s’appropriant les images. C’est ce qui est beau aujourd’hui, c’est de pouvoir faire ça sans avoir besoin de moyens astronomiques, et Internet est le lieu rêvé pour montrer nos créations, le parfait mur blanc sur lequel dessiner.
Vous préférez glaner, collecter ou transformer ?
Un peu des trois. Je demande beaucoup aux gens ce qu’ils aiment, ce qui me pousse ensuite à faire des recherches et à découvrir. Ce que j’aime beaucoup, j’ai tendance à le collectionner aussi. Je le fais beaucoup avec les romans ou les BDs, pas mal avec les films, même si ça a eu tendance à devenir moins fréquents ces dernières années. Et bien sûr, tout ce qu’on veut bien me partager, tout ce que je découvre, tout ce que je possède, fait partie de ma « cuisine » intérieure, mon univers, et que j’aime donc beaucoup intégrer puis transformer dans mon travail.
Quel rapport entretenez-vous avec la matière que vous empruntez ?
J’ai une formation de monteur, et du coup j’a beaucoup tendance à déconstruire ce que je vois. La matière que je reçois se met assez rapidement en connexion avec d’autres éléments que j’ai pu collecter, afin d’y trouver une cohérence, un liant, un potentiel. Mais pour répondre à la question, j’ai tendance à essayer de la relier à quelque chose que je connais déjà. Il y a toujours des liens à faire, partout. Quels outils utilisez-vous pour glaner des images et pour les transformer ? J’achète pas mal de choses pour ce qui est des livres ou des jeux vidéos. Pour les films, mes recherches se font principalement sur Internet qui est un outil assez puissant. Après, une fois que j’ai toutes ces images, à moi de les recevoir, de les prendre et de les transformer à ma sauce, pour en faire un objet unique. Pour ce qui est du montage et de la technique, j’ai le logiciel Final Cut Pro.
Quels sont vos prochains projets mashup ?
Après quelques mash-ups et ma série « HUB », je pense marquer un peu le pas niveau mashup, et me concentrer sur la réalisation de mon prochain court-métrage. J’ai quand même encore quelques petites idées mashup qui pourraient voir le jour dans pas longtemps, notamment autour de séquences clés du cinéma. Wait and see donc…